5
Je mettrai des jacinthes blanches
à ma fenêtre, dans l’eau claire
qui paraîtra bleue dans le verre.
Je mettrai sur ta gorge blanche
et luisante comme un caillou
du ruisseau, des boules de houx.
Je mettrai sur la pauvre tête
du malheureux chien tout rogneux
qui a des taches dans les yeux
la plus douce de mes caresses,
pour qu’il s’en aille grelottant
un tout petit peu plus content.
Je mettrai ma main dans la tienne,
et tu me conduiras dans l’ombre
où tournent les feuilles d’automne,
jusqu’au sable de la fontaine
que la pluie si douce a troué,
où se détrempe le vieux pré.
La pluie fine ma pensée douce comme
la bruine.
Je mettrai sur l’agneau qui bêle
une branche de lierre amer
qui est noir parce qu’il est vert.
5
Pondré jacintos blancos
en mi ventana, en el agua clara
que parecerá azul dentro del vaso.
Pondré sobre tu garganta blanca
y reluciente como piedra
de arroyo, bolas de acebo.
Pondré sobre la pobre cabeza
del desdichado perro sarnoso,
y ojos manchados,
la más dulce de mis caricias,
para que él, tan aterido,
se vaya mucho más gozoso.
Pondré mi mano sobre la tuya,
y me conducirás hasta la sombra
donde giran las hojas de otoño,
hasta la arena de la fuente
que la lluvia, tan suave, atravesó,
donde se remoja el viejo prado.
La lluvia fina, mi pensamiento manso
como la llovizna.
Pondré sobre el cordero que bala,
una rama de hiedra amarga
que es negra porque es verde.
10
La poussière des tamis chante au soleil et vole.
Mets ton épaule et tes cheveux sur mon épaule
et mes cheveux. L’air est comme l’eau, et les bœufs
passent dans le matin froid des chemins boueux.
Les cloches des coteaux verts sonnent le dimanche.
Tu viens de te lever. Tu es toute blanche.
Le silence est grand et très doux comme la ligne
qui monte et descend, dans le ciel, sur les collines.
On sent qu’on est sain et dans mon esprit bleu,
je prie, parce que dans le ciel il y a Dieu.
10
El polvo del tamiz le canta al sol y vuela.
Pon tu hombro y tus cabellos sobre mi hombro
y mis cabellos. El aire es como el agua, y los bueyes
pasan en la mañana fría los caminos cenagosos.
Las campanas de las laderas verdes suenan el domingo.
Acabas de levantarte. Eres totalmente blanca.
El silencio es grande y muy dulce, como la línea
que sube y desciende, en el cielo, sobre las colinas.
Nos sentimos sanos y en mi espíritu azul,
ruego, porque hay Dios en el cielo.
LA FIÈVRE
Les genêts luisent dans la lande désolée ;
Sur l’ocre des coteaux la bruyère est de sang :
Mais tu ne peux guérir mon cœur triste où descend
Le souvenir de ma pauvre enfance en allée.
Viens : elle est d’émeraude et d’argent la vallée ;
Douce comme ta voix, l’eau chuchote en passant,
Et clair comme ton rire est l’angélus croissant ;
Fraîche comme ta bouche est la mousse mouillée.
J’ai la fièvre : Viens là, près de ces romarins,
Près de ce puits glacé que ronge l’herbe fraîche ;
Viens, pleurons et mourons, fillette aux yeux sereins ;
Nous sommes las : moi, las de sentir une brèche
En mon cœur mort d’amour lors de son mois de mai,
Toi, lasse en ton printemps de n’avoir pas aimé.
LA FIEBRE
Las retamas lucen en el erial yermo;
sobre el ocre de los ribazos, el arbusto es de sangre:
pero no puedes sanar mi corazón triste, a donde baja
el recuerdo de mi pobre infancia que se fue.
Ven: es de esmeralda y plata el valle;
dulce como tu voz, el agua cuchichea al pasar,
y claro como tu risa es el ángelus creciente;
fresca como tu boca la espuma mojada.
Tengo fiebre: ven allí, cerca de estos romeros,
donde este pozo helado que roe la hierba fresca;
ven, lloremos y muramos, niña de los ojos serenos;
estamos cansados: yo, de sentir una brecha
en mi corazón, muerto de amor mientras fue mayo;
tú, cansada en tu primavera de no haber amado.
LA PETITE QUI EST MORTE
Une petite hutte avec un chien devant.....
Ô ma chère ! Ce soir, cette rose est mouillée.
Dans le grand parc, auprès de la grille rouillée,
Je l’ai prise pour toi, tout à l’heure, en rêvant.
Il bruine au dehors ; viens ici, viens... le vent
Dans les lauriers sanglote..... oh ! reste ainsi liée
Avec tes frêles bras à mon cou... mi-pliée.....
Faisons de nos cœurs morts un amour revivant.
Plonge avec tes doux yeux de sombre violette
Dans mon regard si triste et grave qui reflète
Mes deuils d’amour... Entends ma voix... Elle est le glas
Qui conduit doucement dans sa petite robe,
La seule que j’aimai, la Morte aux pâleurs d’aube
Qui dans ses mains de cire a de légers lilas.
LA PEQUEÑA QUE MURIÓ
Una pequeña choza con un perro delante.....
¡Oh, querida mía! A la tarde, está la rosa mojada.
En el parque grande, cerca de la reja oxidada,
la cogí enseguida para ti, soñando.
Llovizna fuera; ven aquí, ven… el viento
solloza en los laureles…..¡oh! quédate así, cogida
con tus endebles brazos a mi cuello…casi plegada.....
Hagamos de nuestros corazones muertos un amor que reviva.
Sumérgete con tus dulces ojos de violeta umbría
en la mirada mía, tan triste y grave, que refleja
mis duelos de amor... Oye mi voz... Es el tañido fúnebre
que conduce despacio, con su pequeño vestido,
a la única a quien quise, Muerta al palidecer el alba,
que tiene en sus manos de cera lilas ligeras.
SOLEIL
. . . . . . . . . . . . . À Ernest Caillebar
Le village à midi. La mouche d’or bourdonne
Entre les cornes des bœufs.
Nous irons, si tu le veux,
Si tu le veux, dans la campagne monotone.
Entends le coq... Entends la cloche... Entends le paon...
Entends là-bas, là-bas, l’âne...
L’hirondelle noire plane,
Les peupliers au loin s’en vont comme un ruban.
Le puits rongé de mousse ! Écoute sa poulie
Qui grince, qui grince encor,
Car la fille aux cheveux d’or
Tient le vieux seau tout noir d’où l’argent tombe en pluie.
La fillette s’en va d’un pas qui fait pencher
Sur sa tête d’or la cruche,
Sa tête comme une ruche,
Qui se mêle au soleil sous les fleurs du pêcher.
Et dans le bourg voici que les toits noircis lancent
Au ciel bleu des flocons bleus ;
Et les arbres paresseux
À l’horizon qui vibre à peine se balancent.
SOL
. . . . . . . . . A Ernest Caillebar[2]
El pueblo al mediodía. La mosca de oro[3] canturrea
entre los cuernos de los bueyes.
Iremos, si quieres,
si así lo quieres, a la campiña monótona.
Oye al gallo... Oye la campana... Oye al pavo real...
Oye allá, allá, el asno...
La golondrina negra se cierne,
los álamos a lo lejos se marchan como un mantón.
¡El pozo roído por la espuma! Escucha rechinar
su polea, aún rechina,
porque la chica de los cabellos de oro
tiene el viejo cubo todo negro, de caerle la plata en rocío.
La niña se marcha, con un paso que hace inclinar
en su cabeza dorada el cántaro,
su cabeza como una colmena,
que se funde al sol bajo las flores del melocotonero.
Y en el pueblo, he aquí que lanzan los tejados ennegrecidos
copos garzos al cielo azul;
y los árboles perezosos
en el horizonte que vibra, apenas se mecen.
IL Y AVAIT DES CARAFES
. . . . . . . . . . À Charles Veillet
Il y avait des carafes d’eau claire
dans le petit jardin noir du ministre protestant,
à sa maison qui a un air sévère ;
et il y avait aussi de gros verres
sur la nappe. Il y avait des feuilles aux contrevents.
Le mois de Juin. Sur la petite allée,
un morceau de canne à ligne, cassée et en roseau,
avait été jeté, et la journée
était grise et, comme l’on dit, chargée,
et comme quand il doit tomber de grosses gouttes d’eau.
Par la fenêtre noire, triste, ouverte,
on entendait un piano dans les lauriers luisants.
Les petites fenêtres étaient vertes.
Là on devait être bien heureux, certes,
comme dans livres de Rousseau il y a longtemps.
HABÍA UNAS GARRAFAS
. . . . . . . . . . A Charles Veillet[4]
Había unas garrafas de agua clara
en el pequeño y negro jardín del ministro protestante,
en su casa de aspecto severo;
y había también grandes vasos
sobre el mantel. Había hojas en las contraventanas.
El mes de junio. Sobre la pequeña alameda,
un trozo de sedal de pesca, roto y en su caña,
había sido dejado, y el día
estaba gris y, como suele decirse, cargado,
igual que si fueran a caer gruesas gotas de agua.
Por la ventana negra, triste y abierta,
oíamos un piano en los laureles relucientes.
Las pequeñas ventanas eran verdes.
Allí debíamos ser muy felices, por cierto,
como en los libros de Rousseau hace tanto tiempo.
* * *
NOTAS